papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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Une complexité mortifère

Dès 1992, la Coordination Rurale était visionnaire. La mise en application de la PAC n’a cessé depuis d’inventer de nouvelles règles, sans cesse plus complexes, toujours plus contraignantes pour ne verser aux agriculteurs que des primes qui ont perdu leur caractère compensatoire pour devenir confiscatoires et vexatoires.

On peut d’ailleurs se questionner sur le bien-fondé de leurs motivations et surtout sur la réalité annoncée de celles-ci. D’année en année, les critères d’éligibilité se sont rigidifiés, complexifiés au point que les exploitants n’ont d’autre choix que de confier leurs dossiers de déclaration PAC à des prestataires spécialisés. La progression de la précision du RPG était-elle vraiment indispensable à Bruxelles, sachant que cette précision n’avait aucune incidence sur les surfaces totales primables, ce qui était attribué en trop à Pierre l’était en moins à Paul, et réciproquement. Il n’en reste pas moins que l’obligation d’une tolérance passant de 10% à 5% de précision a engendré des frais de mise à jour supplémentaires et conséquents aux exploitants. Cette mesure était-elle indispensable, ou plus insidieusement visait-elle à faire tourner les services administratifs des prestataires ?

Mais comme les enveloppes budgétaires se restreignent d’année en année, il s’est avéré judicieux d’inventer des critères restrictifs encore plus complexes. Ainsi, il est maintenant indispensable de situer le moindre rocher qui affleure et de le déclarer en SNA, ce qui réduit d’autant le montant des « aides » allouées à l’exploitant. Mais le mieux étant souvent ennemi du bien, il s’avère que les services de l’Etat ne sont plus à même de traiter correctement les dossiers PAC des exploitations et cumulent des retards considérables dans le versement des sommes dues aux agriculteurs. Pour tenter de pallier à cette ignominie, l’Etat rajoute une touche de complexité avec la mise en place des ATR et leur corollaire de formalités.

Comment les agriculteurs peuvent-ils accepter sans se révolter de se voir appliquer des pénalités dès le premier jour de retard du règlement de leurs charges (impôts, MSA) alors que l’Etat se permet des retards de deux ans dans le versement des certaines sommes qui leur sont dues ?

Alors que la France a versé en 2015 22,5Mds d’€ de participation au budget de l’Europe, elle n’en reçoit en retour que 14,5 Mds [i] dont 9 milliards pour l’agriculture. L’Europe n’est donc pas un cadeau pour la France et on a le droit de s’interroger sur la bonne utilisation de ces 9 milliards d’€ : leur répartition mathématique aux 461800 chefs d’exploitation français [ii] amène à constater que ces subventions leur auraient apporté en moyenne 1624 € par mois. Mais on sait qu’officiellement près du tiers des agriculteurs a eu en 2015 un revenu mensuel inférieur à 354€ [iii]  (pour plus de 70 heures de travail hebdomadaire !). On s’aperçoit ainsi que les « primes » ont totalement perdu leur caractère compensatoire de la baisse des prix agricoles imposé par la PAC 1992 et qu’une part importante des 9 milliards distribués a trouvé des destinations « agricoles » dont ne profitent pas les agriculteurs.

Et la justification de cette complexité exponentielle peut s’expliquer par la volonté de création de services administratifs et de services pour gérer cette complexité, qui sont rémunérés par la destination « agricole » des fonds non définie (à dessein ?). Mais la machine s’est emballée et ces services n’arrivent plus à gérer leur infernale « contrôlite ». Le plus révoltant, ce ne sont pas ces services qui souffrent des retards de paiement, mais les agriculteurs qui préféreraient des prix rémunérateurs et décents pour leurs produits.

La Coordination Rurale, qui réclame depuis toujours « des prix, pas des primes » avait bien ciblé cette complexité administrative et ce gâchis financier qui aboutit à la ruine de notre agriculture.

Le 23 mai dernier, elle s’est invitée au conseil d’administration de l’ASP de Limoges pour demander un calendrier précis du versement du solde des primes en retard. Les membres du CA présents n’ont pas eu l’air très gênés des conséquences de ces retards, pas plus que par le fait qu’un agriculteur de Saône et Loire, psychologiquement déstabilisé par les contrôles, ait été abattu par les gendarmes. Il est regrettable que les représentants de la Confédération Paysanne et de la FNSEA, présents à la table du CA, n’aient pas prononcé un seul mot de soutien aux revendications de la Coordination Rurale.

Quand les gouvernants Européens et Français comprendront-ils que le travail d’un agriculteur est de produire des biens alimentaires pour nourrir les populations et non de passer des heures, après une journée de travail, à remplir des dossiers que même les services administratifs de l’Etat n’arrivent plus à gérer !

Il est plus que temps de réfléchir à prendre les mesures indispensables pour arrêter l’inflation des faillites et des suicides en agriculture et prévenir la perte de notre indépendance alimentaire. 

Armand PAQUEREAU

 

[i] http://comptespublics.fr/article/contribution-de-la-france-au-budget-de-lunion-europeenne/

[ii] http://www.lafranceagricole.fr/actualites/statistiques-de-la-msa-462000-chefs-dexploitation-en-2016-1,1,2543250345.html

[iii] http://www.msa.fr/lfr/presse/dossier-rentree-crise-agricole



06/11/2020
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