papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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Quand la notion de propriété est mise sous tutelle.

La propriété est considérée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme l'un des quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'Homme »
« Art. 17. -La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Ainsi posé, le principe de la propriété semble clair, simple et sans ambigüité. La notion d’intérêt général est venue bousculer, au fur et à mesure des lois et règlements, la primauté du droit de propriété. Ainsi, un récent article du quotidien Sud-Ouest en apporte un premier éclairage (1).
A Royan, dans le quartier du Parc, classé dans la zone des sites patrimoniaux remarquables (SPR), on ne peut pas couper ou élaguer librement les arbres dans les propriétés privées.
« La procédure d’abattage/élagage comprend une demande auprès de l’architecte des Bâtiments de France, un devis du prestataire avec son accord signé et un inventaire des autres arbres de la parcelle. C’est le service urbanisme qui délivre l’autorisation après déclaration en mairie. »

Sans préjudice des tracasseries administratives, cette réglementation pose de nombreux problèmes. Les articles 671 et 672 du Code civil obligent le propriétaire d’arbres à des distances et des hauteurs limites de ceux-ci vis-à-vis du voisinage. Il a pour obligation de les élaguer pour éviter que les branches, par leur croissance naturelle ne dépassent ces limites. Ses voisins peuvent le contraindre par consensus ou judiciairement à respecter les codes précités. Mais voilà, pour s’exécuter, le propriétaire doit obtenir l’autorisation de la mairie et de l’architecte des Bâtiments de France. En cas de refus de ces organismes, il sera condamné à indemniser son voisin pour non-respect de la loi. Si ces arbres, qu’il n’a pas le droit de couper ou d’élaguer, tombent et causent des dommages aux tiers (matériels ou corporels), qui sera responsable, le propriétaire ou les organismes qui lui auront interdit de prendre les mesures de sécurité nécessaires ?

 L’instauration dans la PAC, des surfaces d’équivalent topographique (SET) par création de haies dans les exploitations agricoles est une nouvelle restriction du droit de propriété. Certes, cette mesure est présentée comme compensée par les aides à l’écoconditionnalité perçues par l’exploitant, mais c’est oublier que ces aides étaient initialement accordées comme compensation à l’alignement sur les prix mondiaux des denrées agricoles imposé par la PAC de 1992. Cette mesure est donc une contrainte imposée au principe de propriété, d’autant plus préjudiciable que les aides accordées sont loin de compenser les frais d’entretien induits. Pour cet entretien, certaines associations (2) proscrivent l’emploi du broyeur à fléaux et préfèrent le lamier, qui nécessite le ramassage manuel et le broyage des branches. Le coût d’entretien est estimé à 70€ de l’heure. De plus, l’implantation de ces haies induit une perte de récolte importante par concurrence de la haie en lumière et en eau envers les cultures adjacentes.

La polémique de l’école de Villeneuve de Blaye en 2014 à conduit à des restrictions d’épandage de produits de protection des végétaux (3) sur des distances pouvant aller jusqu’à 50 mètres des établissement sensibles (que nombre de citoyens veulent appliquer à tout voisinage). Cette décision induit un préjudice conséquent pour les propriétés concernées, car les zones non traitées deviennent des foyers de contamination des maladies cryptogamiques et des insectes ravageurs (mildiou, cicadelle de la flavescence dorée, etc..). Ainsi, les propriétaires devront arracher les cultures de ces zones devenues incultivables, mais qui devront être entretenues pour éviter leur embroussaillement (4). Cette aliénation pour satisfaire à l’intérêt public ne comporte aucune indemnisation comme le prévoit l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et annihile l’article 544 du code civil qui stipule que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Les articles 641 et 642 du code civil associent au droit de propriété l’usage de l’eau qui tombe sur ou qui émerge du fonds possédé. Ainsi, un propriétaire devrait pouvoir librement créer des retenues collinaires pour collecter les eaux de ruissellement sur ses terres. Cependant, il ne le peut qu’après autorisation préfectorale et accord de différentes associations ou organismes qui, le plus souvent font obstacle à son projet sur simple avis ou par action juridique, alors son le projet ne comporte aucun risque ni préjudice pour la collectivité. La loi sur l’eau de 1992 précise dans son article 1 : « L'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis » ce qui est contradictoire avec les articles 641 et 642 toujours en vigueur et constitue une aliénation du droit de propriété.

Les propriétaires bailleurs sont fréquemment confrontés à des locataires indélicats qui dégradent les logements et ne paient pas les loyers. Pour obtenir justice, les délais peuvent s’étaler sur de nombreux mois, voire années, sans préjudice de l’insolvabilité des locataires.
L’administration fait payer directement par le propriétaire la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères qui doit se faire rembourser auprès du locataire (s’il le peut, nombre de minimas sociaux étant insaisissables). Mais le paiement des taxes foncières est assorti de pénalités pour le moindre jour de retard. La récente décision du Président de la république de supprimer une partie de la taxe d’habitation pour la compenser par une augmentation des taxes foncières est un transfert d’une charge due par des locataires sur les charges de propriété.

On assiste à une mutation de l’opinion publique qui considère l’espace rural comme appartenant à tous, et certains se permettent de circuler sans autorisation spécifique sur les terres agricoles ou forestières, se retournant contre les propriétaires en cas d’accident. La notion de propriété est de plus en plus érodée au profit de l’intérêt collectif, ce qui peut se comprendre si cette érosion est correctement indemnisée, mais aussi au profit des loisirs ou de l’opinion subjective de la collectivité, sans aucune compensation.

La propriété, qui sous-tend des notions de créativité, de bonne gestion, d’entretien, de prévoyance, d’indépendance et de liberté semble devenue incompatible avec un Etat qui veut inféoder chaque citoyen à un système hégémonique. L’Etat, qui devrait être le garant de la protection de la propriété grâce aux impôts qu’il y associe, non seulement ne remplit que très mal ce rôle de protection, mais interdit au citoyen de défendre son bien par la complexification de la légitime défense.

Faudra-t-il abandonner le fruit du travail et des privations de tant de générations pour laisser l’Etat le distribuer à tout venant, sans obligation de respect, d’entretien et de protection ?

 

(1) http://www.sudouest.fr/2017/06/03/des-arbres-sous-protectionpetite-histoire-du-parc-de-royan-3500936-1510.php

(2)http://www.promhaies.net/wp-content/uploads/2012/07/guide_entretien_Promhaies_2013.pdf

(3)http://www.gironde.gouv.fr/content/download/29014/208981/file/Arr%C3%AAt%C3%A9%20produits%20phytopharmaceutiques%20-%2022.04.2016-4.pdf

(4)https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000025248647&cidTexte=LEGITEXT000025244092



08/11/2020
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