Quand les rurbains font la guerre aux ruraux
Quand les rurbains font la guerre aux ruraux
On peut être surpris par ce néologisme : pour faire simple, un rurbain est un citadin qui s’installe en milieu rural, à temps partiel ou définitivement.
L’intégration dans un nouvel environnement est primordiale, afin de permettre une vie paisible et harmonieuse des citoyens amenés à vivre ensemble. Si les difficultés d’intégration sont patentes dans les banlieues sensibles, elles existent sous d’autres formes dans les campagnes. Les exemples sont nombreux et relèvent tous d’un refus d’acceptation et d’adaptation à des conditions de voisinage spécifiques souvent ancestrales.
De très nombreuses plaintes pour des motifs de nuisances.
Ces litiges de voisinage qui empoisonnent les relations entre riverains sont parfois si virulents qu’ils se terminent au tribunal.
On peut citer le cas du coq Maurice de l’ile d’Oléron qui a été relaxé de la nuisance de ses chants matinaux le 5 septembre 2019 mais qui est mort l’année suivante.
On peut citer le cas des grenouilles de Grignols dont le cas mérite un peu de détails. Pour satisfaire à la demande pressante de leurs voisins, ces retraités de Dordogne décident de déplacer leur mare pour l’éloigner. Grosse erreur, ils le font sans demander l’autorisation spécifique. Dès lors leurs voisins obtiennent auprès de la Cour d’appel de Bordeaux leur condamnation pour «des troubles qui se produisent durant la saison chaude par la création illicite d’une mare dans la proximité immédiate d’une habitation qui entraîne des troubles qui excèdent les inconvénients normaux de voisinage ». De plus ils sont condamnés à reboucher la mare avec une astreinte de 150 € par jour de retard. Le pire est que l’injonction de reboucher la mare n’est pas assortie de l’obligation préalable de déplacer les batraciens, ce qui expose les retraités aux sanctions de l’article L 415-3 du code de l’environnement.
Autre cas, cet éleveur de Haute Vienne condamné pour les nuisances de sa stabulation. Le TGI de Limoges, dans son jugement du 7 novembre 2001a reconnu que l’éleveur respectait la réglementation relative à ses installations mais a admis le bruit des animaux comme trouble anormal de voisinage. Pour sa défense, l’éleveur avait produit des relevés sonométriques prouvant que son élevage était moins bruyant que la route proche. Le Tribunal avait considéré «qu’un bruit constant de circulation dans une rue est très probablement plus supportable que les bruits discontinus liés à l’élevage des bovins ». la Cour d’Appel de Limoges a confirmé la condamnation et a condamné l’éleveur à 4000€ de dommages et intérêts pour chacun des plaignants.
La récente condamnation à 120 000€ de l’éleveur de l’Oise confirme l’impossibilité de tolérance de certains voisins envers les agriculteurs. Il avait bénéficié d’une dérogation préfectorale relativement aux distances, mais la modification des installations a invalidé l’application de l’article L 113-8 (infra). Ce jugement va conduire l’éleveur à cesser son activité. Cela mérite réflexion dans un contexte où la volonté de produire local a le focus de la communication.
Une réglementation précise et contraignante.
L’article 113-8 du code de la construction et de l’habitation qui remplace le 112-16 récemment abrogé stipule : « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions »
L’article L 111-3 du code rural instaure une réciprocité de distance entre les installations d’’élevage et les constructions nouvelles. De plus, la réglementation des règlements sanitaires départementaux et des installations classées définissent avec précision les distances d’implantation, les critères spécifiques des installations en fonction du nombre et du type d’animaux concernés.
En matière de bruit, lui aussi fréquemment en cause dans les litiges de voisinage, le décret n°2006-1099 du 31 août 2006 définit comme nuisances sonores les sons produits dépassant le bruit ambiant normal de 5 décibels le jour et 3 décibels la nuit, augmentés en décroissance de 5 à 0 selon la durée. Quand on sait que la parole se situe au niveau de 50 décibels, on comprend avec quelle facilité les plaideurs peuvent revendiquer des nuisances sonores.
Une nouvelle source de conflits
Les ZNT (Zones de Non-Traitement) où l’usage des phytos sur les cultures est interdit. Ces surfaces, riveraines d’habitations, d’installations recevant du public, de sites sensibles comme les bordures de point d’eau ou de ruisseaux peuvent avoir une largeur entre 100, 50 et 5 mètres selon les cultures concernées et les produits utilisés. Certains maires avaient pris des arrêtés, pour interdire tout traitement ou épandage d’effluents sur les terres agricoles à l’intérieur d’une distance de 150 mètres des habitations pour protéger les habitants.
Pour exemple, une surface de 10,35 hectares aurait été confisquée aux agriculteurs voisins d’une habitation de 500 m² sise au milieu des champs. Le Conseil d’Etat a interdit aux maires, le 31 décembre 2020 de prendre des arrêtés interdisant l’utilisation de pesticides sur le territoire de leurs communes.
Les rurbains contre les locavores
Les récentes pénuries rencontrées lors de la Covid et la guerre en Ukraine ont mis en évidence notre dépendance à l’approvisionnement de denrées de première nécessité vis-à-vis de l’étranger. De plus en plus de citoyens deviennent conscients de l’importance de la souveraineté alimentaire de la France et de l’importance de produire localement notre nourriture. Cependant, les conflits entre voisins d’un même territoire sont de plus en plus fréquents et se terminent majoritairement aux dépens des agriculteurs.
La simple mesure des ZNT prive ceux-ci de surfaces conséquentes pour un objectif qui, s’il peut être considéré comme d’utilité publique, n’applique pas les principes de l’article 545 du code civil qui prévoit une juste et préalable indemnité pour la perte de la jouissance de sa propriété et de ses fruits.
Nombre de Français veulent manger local, mais les rurbains ne supportent pas la présence des fermes et de leur environnement près de chez eux.
Cependant, en instaurant autant de zizanie et de contraintes envers les agriculteurs Français, notre dépendance alimentaire s’accentue et on risque bien de regretter nos paysans qui ne seraient plus là pour nous nourrir et pour entretenir nos paysages qui ne tarderaient pas à s’ensauvager. La forêt aurait vite fait de reconquérir les terres cultivables, certes la forêt c’est beau, mais manger des glands ne nourrira pas le peuple.
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