papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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Logements énergivores : le choix de la coercition.

Logements énergivores : le choix de la coercition.

 

Dans un précédent article, j’ai évoqué en détails les difficultés engendrées par la réglementation sur la mise aux normes énergétiques des logements et ses conséquences.

La guerre en Ukraine a précipité une évolution inéluctable des problèmes énergétiques de notre civilisation. Consommer en deux ou trois siècles les ressources fossiles d’énergie (dont l’uranium pour le nucléaire) qui ont mis des millénaires à se créer ne peut se concilier avec le « développement durable » dont nous abrutissent les politiques, écologistes, conseilleurs et décideurs divers.

Les propriétaires de logements qu’ils soient occupants ou bailleurs, pour les plus diligents et les plus économiquement efficients, n’ont pas attendu pour tenter de se préparer à une augmentation des coûts de l’énergie. Les propriétaires occupants ont calculé le ratio de retour sur investissement des travaux d’isolation en rapport avec les économies sur leurs factures d’énergie de chauffage ou de climatisation. Les bailleurs ont eux aussi compris qu’un logement en bon état et bien isolé engendrait des loyers supérieurs, accessibles à des locataires plus respectueux du bien loué et des échéances.

L’ampleur des travaux et les difficultés techniques de leur réalisation nécessitent des délais de réalisation très longs et des financements souvent colossaux, dont les quelques aides prévues ne couvrent qu’une partie aléatoire.

 

Or les gouvernements sont pressés et ont dressé un agenda contraignant :
Le décret 2021-19 du 11 janvier 2021 interdit à la location pour les nouveaux contrats les logements classés en G à compter du 1er janvier 2023.
La loi 2021-1104 du 22 août 2021 donne un échéancier précis :
« Le niveau de performance d’un logement décent est compris, au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation :
« 1° À compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ;
« 2° À compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E ;
« 3° À compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D. »

 

Une discrimination entre bailleurs et propriétaires occupants

 

La loi précitée vise les logements destinés à la location. Mais ne prend pas en compte la réalité de mixité dans une copropriété des deux types d’occupation de logements. Comme les travaux dans une copropriété ne peuvent être décidés qu’à la majorité des copropriétaires, les bailleurs dans une copropriété ne pourront faire isoler en façade (par exemple) si l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas donné son aval. Ils ne pourront donc plus louer leur appartement, mais devront continuer à payer les charges de copropriété.

Cependant, si les travaux sont refusés en AGun propriétaire bailleur pourra tout de même louer son bien en DPE E ou G. En effet une exception s’applique aux logements en copropriété qui n’auront pas pu être rénovés à temps à la suite d’un refus des travaux lors de l’assemblée générale. Le propriétaire devra seulement prouver qu’il a fait une demande de travaux et voté pour ceux-ci, et devra toutefois réaliser les travaux liés aux parties privatives, qui ne dépendent pas d’un vote en AG.

Depuis  2017, deux nouvelles aides sont servies par l'Anah pour aider les copropriétés en difficulté. La première permet de financer les travaux de rénovation énergétique et la seconde facilite le traitement de la dette de l'immeuble grâce à un soutien des propriétaires les plus endettés.

Cette deuxième aide, d'un montant maximum de 21 000 euros par logement sur 6 ans, finance le "portage ciblé". Il s'agit d'une technique financière destinée à faciliter le traitement de la dette de la copropriété en offrant un soutien aux propriétaires les plus endettés, le plus souvent par le rachat de leur bien. L'acquisition par un opérateur missionné à cet effet (aujourd'hui le plus souvent des organismes HLM) permet de réaliser les travaux nécessaires, de redresser les comptes de la copropriété en conservant pendant un temps limité la propriété du logement avant de le revendre à prix maîtrisés. Les ménages dont le logement a été acquis sont accompagnés pour être relogés.
Le portage ciblé permet également d'accompagner le rachat de logements sous arrêté d'insalubrité par exemple, ou de prévenir les risques d'acquisition de lots d'habitation par des propriétaires indélicats.

Ainsi, ce système permet de racheter à des prix dérisoires des biens qui sont dévalorisés par une normalisation excessive (DPE), puis de les remettre aux normes par le biais de subventions financées par nos impôts, et enfin de les mettre à disposition d’organismes HLM qui pourront les louer à des tarifs sociaux consentis par l’apport de financements eux aussi issus de nos impôts.

Les cigales font finir de ruiner les fourmis !

 

Vers une pénurie de logements…

 

Il est certain qu’en interdisant la location des logements dits énergivores, le gouvernement va générer des économies d’énergie. Un logement vide n’a plus besoin d’être chauffé, ni d’eau chaude sanitaire ! Mais quand on regarde la vacance actuelle des logements, proche des 3 millions, et que l’on considère les 7,2 millions classés F ou G sur les 36, millions de résidences principales en France on peut être effrayé par presque le tiers des logements qui seront interdits à la location.  Heureusement que  58% des français sont propriétaires de leur logement et ne sont pas encore interdits d’habiter dans des logements classés énergivores. Mais rassurons-nous, le gouvernement y travaille.

 

Le bonus-malus sur la taxe foncière

 

Une idée émise par l’ancien ministre de l’écologie Nicolas HULOT a été reprise début 2019 par un rapport parlementaire remis en janvier 2019 au premier ministre. Cette initiative a été occultée par le les remous des gilets jaunes, mais probablement pas enterrée. Cette mesure vise à abonder d’un malus le montant de la taxe foncière des logements énergivores, mais aussi celui des droits de mutations en cas de vente ou de succession. Ainsi, les propriétaires occupants seraient eux aussi durement touchés, sans compter la double peine pour les bailleurs obligés à vendre car dans l’impossibilité de financer une mise aux normes.

 

Le classement du diagnostic de performance énergétique (DPE)

 

J’ai déjà évoqué le problème du passage en 2012 de l’énergie finale consommée à l’énergie primaire dans le calcul du DPE. Le coefficient de 2,58 ramené à 2,3 appliqué à l’énergie électrique, faisait passer un logement parfaitement isolé de la catégorie C à la catégorie F. Les autres énergies étant classées avec un coefficient 1.

Mais la norme RE 2020 veut sortir les logements de la dépendance aux énergies fossiles (fioul, gaz, charbon). Depuis 2022, l’installation de chaudières neuves au fioul ou au gaz est interdite. On se retrouve donc avec l’électricité comme seule source d’énergie, qui déclasse systématiquement les logements, même isolés au mieux comme précédemment expliqué.

Le diagnostic lui-même a fait l’objet de polémiques sérieuses. Le nouveau DPE, initié par un arrêté du 2 juillet 2018 a vu sa date de mise en vigueur reportée du 1er avril 2019 au 1er janvier 2020 par un arrêté publié le 22 mars 2019 au Journal Officiel. Une nouvelle version a été rendue obligatoire au 1er juillet 2021, mais devant les nombreux bugs et incohérences du nouveau logiciel, sa mise en application a été reportée au 1er novembre 2021.

Ces incohérences et ces reports illustrent le manque de fiabilité d’un système d’appréciation des performances énergétiques des logements, dont les caractéristiques sont multifactorielles dans le temps, la qualité des matériaux et les techniques de fabrication.

 

Des impossibilités financières et techniques

 

  Il est bien évident que l’intérêt commun est d’œuvrer pour limiter la consommation d’énergie. Les travaux d’isolation se heurtent souvent à des contraintes :
ð impossibilité de l’isolation par l’extérieur dans les sites classés,
ð recouvrement des installations électriques et de chauffage par l’isolation par l’extérieur.

Si l’on se cantonne à la mise aux normes d’une habitation de 154 m² le montant des travaux s’élève à 60 484 € TTC pour lesquels le propriétaire peut prétendre à un montant global de 17 575€ d’aide et de primes diverses (chiffrage de mars 2022), le solde de 42 909 € reste à charge entière pour le propriétaire. Ces montants ne prennent pas en compte la réfection des systèmes de chauffage et des installations électriques qui se trouvent occultées et redues inaccessibles par l’isolation intérieure.et devront être refaites en entier.

L’éco-prêt PTZ (prêt à taux zéro d’intérêts) est une aide précieuse, compatible avec les  aides précitées, mais limitée dans son montant pour une durée maximale de remboursement de 20 ans. Il ne semble pas être éligible aux travaux d’isolation intérieure.

Environ 2 bailleurs privés sur 3 (64 %) ne possèdent qu’un seul logement en location. Ils ne représentent cependant à eux seuls que 36 % du parc locatif privé total. Si on prend en compte les bailleurs possédant jusqu’à 3 logements, ils représentent 91 % des bailleurs et détiennent 69 % du parc locatif privé.

Parmi ces bailleurs privés, une très grande majorité est constituée de personnes âgées, retraitées qui ont économisé leur vie durant pour abonder des retraites insuffisantes. La charge financière que leur impose la mise aux normes des logements est insupportable financièrement. On peut douter de l’empressement d’une banque à accorder un éco-PTZ à un propriétaire de 75 ou 80 ans ? Les bailleurs ne peuvent même pas attendre de retour sur investissement par une augmentation des loyers, le gouvernement s’étant empressé de les bloquer dans les zones tendues, qui ne sauraient que s’étendre avec la pénurie de logements qui se dessine.

 

Conclusion

 

Au vu des difficultés précitées, on peut donc s’attendre à une augmentation conséquente de la vacance des loyers. En précipitant l’application des mesures de mise aux normes, le gouvernement entendait faire baisser le prix de l’immobilier par la dévalorisation d’une grande partie du parc. Il sera doublement perdant, par la baisse du montant des droits de mutation lors de la vente d’immeubles dévalués et par la crise qu’il aura engendrée par une pénurie de logements sans précédent. Les immeubles louables devenus rares feront monter les enchères des loyers, peut-être pas officiellement, mais certains locataires accepteront de payer sous le manteau pour ne pas dormir dehors.

S’il est certain qu’il est de l’intérêt commun de tout faire pour économiser l’énergie, vouloir imposer aux citoyens des dépenses au-dessus de leurs moyens ne sera pas générateur de paix sociale. D’autant qu’on voit démolir des logements, qui même sans chauffage, feraient le bonheur des milliers de malheureux qui dorment à la belle étoile.



30/08/2022
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