papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

papyrural,  Le blog d'Armand PAQUEREAU

Logement : la normalisation au pied du mur

Logement : la normalisation au pied du mur

 

Tous les médias, le gouvernement et les associations semblent prendre conscience de l’émergence d’une crise du logement sans précédent.

Chacun en explique les causes qui l’exonèrent et propose des solutions qui l’avantagent. Mais peu osent mettre en avant les nombreuses raisons qui se sont accumulées, masquées par des objectifs louables, des impératifs écologiques manipulés et une volonté masquée d’investissements obligés.

 

Une histoire ancienne.

 

Si on constate en 2021 que 57,9% des ménages sont propriétaires de leur logement, les bailleurs publics détiennent 17% des résidences principales et les bailleurs privés 23% pour les 42,1% de locataires.

Mais ce qui aurait dû attirer l’attention des intéressés est l’évolution du graphique suivant :
courbe vacance logements

Source INSEE 2021

On y remarque l’amplitude de la vacance des logements à partir de 2006 et sa progression constante. Encore n’y figure pas l’incidence des interdictions de louer depuis janvier 2023. Or, force est de constater que l’application du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 qui instaurait les critères de décence pour la loi du 13 décembre 2000 a fortement et principalement influé sur la vacance des logements locatifs. Les critères appliqués subjectivement par les organismes agréés sans respect du contradictoire ont rebuté nombre de bailleurs, sans compter que la conformité de décence ne les protégeait pas des dégradations des locataires indélicats. Il faut noter que la présence de parasites dans les logements est toujours mise à la charge des propriétaires alors que leur apport est presque toujours le fait de mauvaises conditions d’hygiène ou de propreté des occupants.

J’avais développé en 2015 les raisons qui motivaient les bailleurs à privilégier la vacance par rapport à des investissements importants et difficilement rentabilisables.

Déjà, la simple isolation d’un logement ne pouvait espérer un retour sur investissement inférieur à 30 ans

 

Le renforcement des normes

 

Dans l’annexe 3b de l’arrêté du 8 février 2012, on pouvait lire que l’énergie électrique finale consommée dans un logement devait être multipliée par un coefficient de 2,58 pour obtenir l’énergie primaire qui sert à classifier le DPE du logement. Ainsi, celui-ci qui devait être classé C selon sa consommation facturée, se trouvait relégué en F.

Excellente manière d’obliger un propriétaire à réaliser des travaux dans un logement qui n’a rien d’énergivore.

On peut comprendre le gouvernement, qui veut interdire l’installation de chaudières à gaz et au fuel qui sont d’origine fossile épuisable, de coefficient énergie primaire 1, mais pourquoi les remplacer par des pompes à chaleur électriques affublées actuellement d’un coefficient 2,3 ? De plus, ces pompes à chaleur ont un rendement déplorable lors de basses températures extérieures et doivent être complétées dans ce cas par un chauffage d’appoint. Le matraquage publicitaire officiel actuel ne mentionne pas cet inconvénient majeur.

L’interdiction des cheminées à foyers ouverts et les restrictions sur les chaudières à bois à tirage naturel entraîneront des consommations d’énergie fossile pour conditionner le bois à ces nouveaux équipements onéreux. Pour le bois, énergie renouvelable de coefficient d’énergie primaire 1, le CO² dégagé en hiver par la combustion est recapturé par la végétation l’année suivante et transformé par la photosynthèse en hydrates de carbone nourriciers.

La RT 2012, norme qui limitait la consommation d’énergie primaire d’un logement neuf à 50Kw/m²/an, soit 21,74Kw/m²/an de consommation réelle a considérablement enchéri le prix des constructions.

La RT 2020 est plus ambitieuse et plus exigeante. Toute construction neuve doit produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme (BEPOS). Toutes déperditions thermiques doivent être supprimées et l’adjonction de production électrique photovoltaïque être intégrée. On peut constater que ces normes ont une incidence certaine et accélératrice sur l’indice du coût de la construction :

indice du coût de la construction

 

Avancer à marche forcée.

 

Cette succession de normes est maintenant relayée par des obligations programmées dans le temps. La réforme du DPE en 2021, qui a accouché d’un logiciel type inabouti et contesté, a corrigé le tir avec une application corrigée en fin d’année. Mais ce DPE corrigé ne reste pas sans reproche ; Début 2022, l’association 60 millions de consommateurs a comparé le diagnostic de cinq opérateurs agréés sur quatre maisons. Pour une même maison, les étiquettes énergie variaient de B à D.

Quand on sait que ce DPE est maintenant devenu légalement opposable, c’est-à-dire utilisable en justice pour contester les baux locatifs, voire les transactions de vente, on peut facilement envisager les litiges qu’il va engendrer. Le propriétaire étant devenu otage de ce document, sa seule défense est de faire exécuter plusieurs DPE simultanés pour reporter éventuellement la responsabilité d’un litige sur les organismes de diagnostic. Ce n’est pas très incitatif pour investir dans l’immobilier. D’autant qu’entre 2018 et 2023, la progression annuelle de l’indice des loyers a été de 2,36% et celle de l’indice de la construction de 4,9%.

Autres contraintes, les dates de mise en application des contraintes liées au DPE :

Etiquette DPE

Année d’interdiction de louer

Audit énergétique obligatoire
 Mono-propriétaires d’habitation

F

2025

2023

E

2028

2025

D

2034

2034

A noter que c’est la plus mauvaise des étiquettes énergie ou effet de serre du DPE qui est retenue.

L’audit énergétique a une validité de 5 ans et le DPE 10 ans.

L’audit énergétique a pour but d’informer l’acquéreur de l’état des performances énergétiques d’un logement et de proposer aux moins deux scénarios de mises aux normes pour améliorer de deux lettres le DPE afin que l’acquéreur intègre ces travaux de rénovation et d’amélioration énergétique dans son projet d'achat (c.a.d. qu’ils s’engage à effectuer les travaux).

Il va sans dire que le coût de ces travaux va induire à la baisse le prix du logement hors normes mis à la vente. Qu’adviendra-t-il lorsque le montant des travaux sera supérieur à la valeur vénale du bien ?

Les propriétaires bailleurs prévoyants qui ont vu évoluer défavorablement les conditions des bailleurs ne pourront plus vendre pour se prémunir contre les interdictions locatives. Nombre de propriétaires occupants soumis à la mobilité professionnelle se retrouveront dans l’impossibilité financière de se reloger après une vente grevée de travaux de mise aux normes.

Reste encore le propriétaire occupant sédentaire qui pourra repousser des travaux ruineux, mais pour combien de temps ? La législation lui laissera-t-elle le droit de ne pas se chauffer s’il n’a pas les moyens financiers de la mise aux normes ? La perspective d’un malus sur la taxe foncière a déjà émergé des élucubrations des conseillers gouvernementaux. Bien évidemment, il sera fait un tapage médiatique sur les aides proposées, mais la pratique nous a enseigné depuis longtemps que les subventions ne sont que des leurres qui ne couvrent qu’une faible partie des frais et qui incitent à s’engager dans un process de dépenses difficilement maîtrisable et quelquefois ruineux.

 

Une dégradation de la notion de propriété

 

Afin de tenter de pallier les risques précités, les pouvoirs publics ont concocté des procédures sophistiquées. Pour les copropriétaires impécunieux, il leur sera possible de céder leur appartement à un organisme public qui sera chargé de la réalisation des travaux de mise aux normes. Le propriétaire deviendra locataire de son bien et pourra (peut-être le racheter) après remise en état, car l’objectif prioritaire lors de la restitution est la mixité sociale.

La loi LAGLEIZE votée le 28 novembre 2019 permet à des Offices Fonciers Libres (OFL), organismes publics à but non lucratif, d’acquérir des terrains à bâtir et de donner aux constructeurs un droit à construire. Les futurs propriétaires bénéficieront d’un droit d’usage du terrain par bail de longue durée, reconductible et transmissible. Les propriétaires paieront donc une taxe foncière sur le bâti et un loyer du sol. Cette loi a pour but d’enrayer la hausse du prix du foncier. Il semble peu probable que le loyer du sol sur un longue période soit moins onéreux et la cession de propriété générera une valeur de droit au bail qui ne sera pas sans conséquence. On peut se questionner sur la pérennité du droit de propriété…

 

Le remède n’aggrave-t-il pas le mal ?

 

Face à de telles exigences qualitatives en matière énergétique, où maintenant se greffent des exigences environnementales (bilan carbone des matériaux) que peut-on prévoir de l’évolution de la situation du logement en France.

Au 1ier janvier 2022, le parc de 30 millions résidence principales se décomposait comme suit :

DPE

Pourcentage

Millions logements

A & B

5%

1,5

C

24%

7,2

D

32%

9,6

E

22%

6,6

F & G

17%

5,1

On voit que d’ici à 2028 11,7 millions de logements doivent être remis aux normes énergétiques.

Quand on a construit 379 000 logements neufs en un an (09 2022 à 08 2023), en baisse de 27% par rapport aux 12 mois précédents, on peut se demander comment en 4 ans on va pouvoir en même temps continuer à construire du neuf et réhabiliter trois fois plus de logements.

Quid de la disponibilité des matériaux, des entreprises et de la main d’œuvre nécessaires.

 

Un problème mal posé

 

La réhabilitation énergétique est nécessaire, mais pas pour la raison principale évoquée. Le CO² dégagé par la combustion des chauffages des habitations participe probablement à l’effet de serre qui aggrave le réchauffement climatique. Mais il n’en n’est pas le principal agent. L’effet de serre est le « couvercle » formé au-dessus de la terre qui limite le rayonnement solaire, et qui empêche la réverbération et l’évacuation de la chaleur accumulée sur terre vers le cosmos. Or il est facile de constater que le CO² est présent en permanence au-dessus de nos têtes mais qu’en présence de nuages, les rayons solaires sont moins cuisants et lors des gelées de printemps, un ciel couvert protège les cultures.

Le principal facteur d’effet de serre est donc la vapeur d’eau, et les logements n’ont aucune incidence sur sa présence ou sa quantité.

Par contre, il est évident que la consommation d’énergie fossile pour chauffer (ou refroidir) nos logements ne pourra perdurer longtemps. On aura consommé en deux siècles une quantité d’énergie qui a mis des millénaires à se constituer. Comme cette énergie, qui a permis d’accompagner la progression exponentielle de la population planétaire, est essentielle pour assurer la production de nourriture et son acheminement, il est évident que l’économie prioritaire se situe au niveau du logement.

Devant une pénurie de logements qui va résulter des interdictions liées au DPE, l’arrivée massive d’immigrés augmente gravement les besoins de loger ces populations supplémentaires.

On assiste à la destruction de logements qui ne sont pas aux normes, sans se poser la question de savoir si le coût de ces démolitions ne pourrait pas servir à les laisser gratuitement à la disposition des populations nécessiteuses, qui seraient mieux logées que sous des tentes ou sur les trottoirs des villes et qui en seraient satisfaites.

Vouloir obliger des citoyens à dépenser l’argent qu’ils n’ont pas est bien la preuve de déviance des dirigeants gouvernementaux. Habitués à laisser filer les déficits de leurs budgets, ils ignorent royalement que tout citoyen ne peut se risquer à dépenser plus qu’il ne gagne sans se créer de graves inconvénients.

J’ai depuis longtemps écrit que l’investissement locatif ne pouvait perdurer que si les bailleurs avaient un résultat positif, en étant protégés des locataires indélicats, des squatteurs et de l’ignorance des décideurs.

 Les bailleurs les plus avisés, qui savaient entretenir leurs logements en bon état de confort pour un bon rendement locatif, ont senti l’évolution délétère de la réglementation et ont revendu. Ils ne réinvestiront plus en France, pays qui ne sait plus reconnaître les « bons pères de famille ».

En voulant forcer la main aux citoyens dans des délais trop courts au regard des moyens financiers, matériels et de disponibilité de main d’œuvre, les pouvoirs publics sont en train de construire un mur de révolte qui risque faire disparaître la notion de propriété. Qui peut être plus responsable de son bien qu’un propriétaire pour l’entretenir, le protéger et le transmettre ?

 

 

 

 



12/10/2023
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Actualités locales pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 30 autres membres