papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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Les tracteurs à Paris, un feu de paille.

Le soutien médiatique à la transhumance des tracteurs vers Paris a été considérable, fruit d’une organisation et d’un laisser faire des pouvoirs publics, probablement en échange d’un engagement de discipline. Ceci est une bonne nouvelle, car déverser du fumier et brûler de pneus n’est pas un bon moyen pour attirer la sympathie des concitoyens.

Ceci traduit bien la cogestion  que pratique la FNSEA depuis des lustres avec les gouvernements successifs. L’annonce des trois milliards d’aide avait été faite par avance, résultat de « négociations » qui n’avaient nul besoin d’une telle démonstration de « force ». Curieuse manière de revendiquer de la part d’agriculteurs aux abois économiques qui défilent dans des tracteurs américains flambants neufs.  Chacun d’eux a dans sa ferme un vieux tracteur qui aurait mieux illustré la situation tragique des exploitations. La démonstration aurait duré plus longtemps (25Km/h) et les pannes auraient illustré la précarité de la situation des exploitations.

Toujours est-il que la couverture médiatique du jour s’est éteinte dès le lendemain et que cette démonstration n’est qu’un feu de paille qui restera sans résultat. En effet, comme par le passé, rien ne permettra de vérifier que les aides importantes annoncées seront bien distribuées, ni qu’elles aboutiront aux plus nécessiteux. Annoncer des aides aux investissements pour un secteur qui n’a pas le droit de vendre ses produits au niveau de ses prix de revient est une insulte à la bonne gestion. Car dans ce cas, ces investissements ne peuvent servir qu’à augmenter le potentiel de production, ce qui fera baisser les prix. Ce qui est certain, c’est qu’une partie de ces aides servira à financer les différents organismes chargés d’instruire les dossiers des demandeurs, dans un dédale de filtres de sélections qui attribuera des sommes ridicules à une minorité de producteurs.

Et le gouvernement aura réussi encore une fois un magnifique écran de fumée : voyez, nous avons aidé grassement les agriculteurs, ils ont mauvaise foi de se plaindre. Excellent moyen de monter l’opinion publique contre une profession qui se délite. Car il en est de l’agriculture comme d’autres secteurs de l’économie : charbonnages, aciéries, textiles… la délocalisation de l’agriculture est en cours, dans la plus grande indifférence de nos concitoyens. Attention pourtant, si le deuxième poste excédentaire de notre balance commerciale bascule, notre  dépendance alimentaire aurait des conséquences économiques et sociales gravissimes.

On peut cependant se demander comment on peut accepter, dans un pays où la revente à perte est illicite,  que des producteurs ne puissent obtenir des pouvoirs publics un soutien efficace pour que leurs produits leurs soient payés au moins au niveau du prix de revient, celui-ci incluant une rémunération équivalente aux autres catégories de travailleurs. Il serait bénéfique pour le consommateur de payer ces produits selon ce principe plutôt que de financer par l’impôt des subventions qui sont phagocytées au passage par des organismes de contrôle et de répartition.

Mais on peut aussi se demander comment des agriculteurs peuvent donner le « pouvoir » à une organisation professionnelle qui les trompe depuis un demi-siècle. L’histoire se répète, avec des évènements significatifs.

En 2009, la FNSEA signe en juin un accord sur le prix du lait de 280€/mille litres. Elle ne pouvait pas ignorer que ce prix était inférieur au prix de revient, si bien que, soutenue par la Coordination rurale, l’APLI se crée, engage un grève du lait avec un retentissement médiatique énorme, en revendiquent un prix de 400€/mille litres. Afin de contrer cette réussite revendicative, la FNSEA lance un mot d’ordre d’actions en octobre. Chose curieuse, cette manifestation « rassemble » dans toute la France 40 000 agriculteurs, nombre unanimement confirmé par les organisateurs, les RG et les médias, qui d’ordinaire annoncent séparément des chiffres très disparates.

Il est quand même curieux, et navrant que de si nombreux agriculteurs, trahis en juin par le syndicat majoritaire, viennent lui apporter leur soutien en octobre ! La leçon de 2009 est oubliée, puisqu’en juillet 2015, LA FNSEA signe un accord à 340€/mille litres, tout en reconnaissant que cet accord n’est pas suffisant.  Et le 3 septembre, 1500 tracteurs envahissent Paris…

Il faut toutefois remarquer une différence d’appréciation entre la base et les dirigeants syndicaux. Le Président est quelque peu hué place de la Nation. Le slogan « Des prix, pas des primes » leitmotiv  de la Coordination rurale depuis 1992 est repris sur les tracteurs.

Serait-ce une amorce de clairvoyance de la part des agriculteurs, qui malgré la trahison de 2009 (parmi tant d’autres) ont donné une majorité à la FNSEA-JA aux élections des chambres d’agriculture en 2013 ?



06/11/2020
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