papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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L’abrègement progressif de la légitime défense

L’abrègement progressif de la légitime défense

 

Nul n’a le droit de se faire justice soi-même. Cet adage de sagesse est la base même de la vie en société, pour éviter les abominations de la loi du Talion ou de la Vendetta, ou des vengeances individuelles occultes.  

Le Président Macron à Fouras suite à la mort d’un des quatre cambrioleurs qui entraient par effraction chez un agriculteur a précisé sa position sur la légitime défense :

"Chacun doit avoir la sécurité et c'est le devoir de la puissance publique de l'assurer. Mais, je suis opposé à la légitime défense. C'est très clair et c'est intraitable parce que sinon, ça devient le Far West. Et je ne veux pas d'un pays où prolifèrent les armes et où l'on considère que c'est aux citoyens de se défendre."

L’acte de l’agriculteur qui a abattu le cambrioleur correspond parfaitement à la description du 1° de l’article 122-6 du Code pénal :
« Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

Cependant, l’article 122-7 précise :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Cette subtile et subjective distinction, laissée à l’appréciation des juges, laisse le champ libre à la multiplication des agressions, violences et assassinats envers des citoyens paisibles jusque dans leurs demeures.

En contrepartie de l’adage précité comme le précise le Président Maron, c’est l’Etat, qui par ses lois et les forces de police de gendarmerie, des forces armées, a le devoir prendre en charge la sécurité des citoyens, en tout temps et en tous lieux. Et c’est bien par ce que l’Etat faillit à cette obligation de protection que des zones de non-droit se multiplient et se développent, avec leurs bilans de morts, de blessés, de traumatisés et handicapés à vie, avec en corollaire des dégradations de biens publics et privés.

Il est d’ailleurs patent que l’Etat ne s’impose pas ce qu’il impose aux citoyens : L’article L4121-1 du code du travail stipule : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
L’article suivant stipule entre autres :
1° Eviter les risques ;
3° Combattre les risques à la source ;

Ainsi la loi enjoint au chef d’entreprise une obligation de résultat. La loi est sévère envers l’employeur car, une fois qu’un employé est victime d’un accident, même si celui-ci résulte de sa faute ou de sa maladresse, s’il était dans le cadre de l’exécution de ses fonctions, l’employeur est présumé responsable par le code du travail de la survenue de l’accident et des dommages induits.

Par contre, l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire ne prend en compte que les préjudices inhérents à la justice : « L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ».

En matière de préjudice, l’arrêt Blanco consacre l’indemnisation du préjudice d’une victime par la faute d’une entreprise d’Etat.

Mais force est de constater que la jurisprudence n’oblige pas l’Etat d’éviter les risques, ni de les combattre à la source. La polémique sur les attentats du 13 Novembre 2015 s’est soldée par un laconique : « Aucune faute ne peut être imputée aux services de police pour n’avoir pas mis en œuvre un dispositif de sécurité particulier autour de la salle de spectacle du Bataclan après le mois d’août 2015 », a de son côté jugé le tribunal administratif de Paris en 2018 ».

 

En cas de carence de l’Etat, que reste-t-il de la légitime défense ?

 

Si la loi, c’est-à-dire l’Etat nous interdit de faire justice nous-mêmes, par conséquence de nous défendre, que n’est-il présent pour nous protéger nous et nos biens ? Les dégradations des Black Blocks lors de nombreuses manifestations, au vu des forces de police présentes qui sont restées placides et sans réaction ont de quoi inquiéter, voire révolter les citoyens honnêtes.

La jurisprudence qui apprécie l’acte de légitime défense ne prend pas en compte le cas d’urgence, de soudaineté, de sidération, de panique de la personne attaquée.

L’article L 122-7 du code pénal définit d’une manière restrictive et subjective la notion de légitime défense : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

La notion de proportionnalité a été ajoutée par la jurisprudence au cours du temps pour aboutir à une quasi-interdiction de se défendre. Si la défense n’est pas supérieure à l’attaque, l’agressé sera blessé (gravement) ou mort. Un citoyen qui se défend avec une arme à feu doit-il attendre que l’agresseur au couteau soit à distance de lui planter dans le corps pour appuyer sur la détente ?

Une autre limite est d’origine jurisprudentielle, la légitime défense est inconciliable avec la nature involontaire de l’acte de celui qui se défend. Tel est le cas de celui qui se défend et tue involontairement son agresseur. Dans une telle hypothèse les juges retiennent l’homicide involontaire et non la légitime défense. L’arrêt Cousinet, rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 16 février 1967 en est l’illustration. En l’espèce Cousinet lors d’une querelle avait brutalement repoussé un ivrogne qui s’était grièvement blessé en tombant.

 

L’effarante réalité

 

Au vu de l’évolution de la jurisprudence, pour prétendre à la légitime défense, il faut ne pas pouvoir fuir, avoir appelé les forces de l’ordre, et être dans l’instant à même de proportionner sa défense à l’attaque.

Cela prouve la totale inconscience des juges de l’état de sidération de l’agressé, de l’instantanéité nécessaire de la réaction et de la supériorité nécessaire de la défense sur l’attaque. Une personne agressée par un individu armé d’un couteau ou d’une barre de fer qui abat celui-ci à bout touchant avec une arme à feu est de fait en légitime défense, car l’agresseur n’a pas obéi à la dissuasion de l’arme en s’approchant, et l’agressé n’avait plus qu’une fraction de seconde pour ne pas succomber. Mais pour les juges, il n’y a pas proportionnalité entre les moyens !

L’agression qui a suscité la position catégorique du président de la République est significative. L’agriculteur a tiré un premier coup de feu en l’air, les quatre individus ont fait le tour de la maison et ont fracturé une porte vitrée ; c’est là qu’il a tiré le coup de feu mortel avec une carabine 14mm (source Charente Libre 31 mars 2022). Les trois individus ont abandonné leur comparse devant l’hôpital avant de disparaître. Une chose est certaine, ces trois-là s’assureront que les lieux de leurs prochains cambriolages soient vides de leurs propriétaires avant de récidiver !

On aborde là la délicate notion de la dissuasion. Combien d’agressions, de meurtres serait évités si les agresseurs savaient que derrière une porte fracturée, le propriétaire pouvait se défendre sans être inquiété. Aucune enquête statistique ne peut le mesurer. Il n’en reste pas moins que la sanction est toujours dissuasive, en témoignent les radars ou les pénalités d’impôt.

 

La dissuasion condamnée

 

Même l’usage de l’intimidation sans danger est condamné, tel cet agriculteur qui demandant à quatre moto-cross qui délabraient ses cultures de partir à dû faire retraite devant leur agressivité, est revenu et a tiré un coup de fusil en l’air. Il a été condamné à cinq mois de prison avec sursis et à la confiscation de ses armes. Il faut préciser que les agissements des ces perturbateurs avaient été signalées à plusieurs reprises aux forces de l’ordre sans résultat.

 

Faire évoluer la loi et humaniser la jurisprudence

 

Puisque que le Président de la République veut aller plus loin que la jurisprudence et s’oppose à la légitime défense, la protection des biens et des personnes ne doit, selon lui, être assurée que par les forces de l’ordre.

Mais  la hausse de la criminalité, :

 

raux de criminalité

 

Traduit bien l’incapacité des forces de l’ordre à assurer leur fonction de protection.

Faudra-t-il intégrer les conséquences de cette incapacité dans l’article 223-6 du code pénal qui stipule : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. » pour que toute personne agressée poursuive l’Etat en justice pour ne pas l’avoir protégée ?

 

 Mais cela ne remplacera pas l’urgence et l’immédiateté indispensables de la légitime défense



12/04/2022
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