la rétro-évolution écolo
La rétro-évolution écolo
Le 02 octobre 2021 sur France 2, Madame Sandrine Rousseau, challenger de la primaire EELV prône un choc de productivité négatif : « Dans l’agriculture, il nous faut plus de main d’œuvre et moins de technique ». Elle met en avant sa qualité d’économiste pour justifier sa position.
La productivité est-elle négative ?
Si on considère que la productivité n’engendre que des efforts pour améliorer les quantités produites et leur qualité, on peut en effet considérer qu’elle entre en conflit avec le confort du travailleur et accroît l’incertitude et le stress par une course en avant qui semble n’avoir jamais de fin.
Mais la productivité est surtout le fruit de l’évolution technologique et scientifique. On remarque dans le tableau ci-dessous que l’évolution de la productivité a résulté de la diminution du nombre d’agriculteurs tout en augmentant les rendements d’un facteur 12,5.
Pour autant, les avantages indéniables de l’amélioration de la productivité ne profitent pas aux agriculteurs. En 2015, la MSA reconnaissait que 29% des agriculteurs avaient un revenu mensuel inférieur à 354€ et l’INSEE évaluait la moyenne du temps de travail des agriculteurs à plein temps à 57 heures par semaine.
Cependant, cette amélioration de la productivité va de pair avec la diminution de la pénibilité. Les travaux de culture et de récolte effectués par des machines fait oublier, entre autres, les sacs de blé que l’on portait à l’épaule, les hottées de raisins portées à dos d’homme en bout de rang de vigne, sans compter l’arrachage des betteraves ou des pommes de terre.
Il faut aussi constater que l’amélioration de la productivité a permis d’éradiquer la pénurie alimentaire de la guerre 39-45 et que les consommateurs ont dans les rayons des supermarchés pléthore de choix de produits, contrairement aux nombreux pays où la production agricole n’a pas profité d’un regain de productivité par manque de moyens financiers ou par choix politique.
Le retour à la main d’œuvre des écolos
Le grand programme de Mme ROUSSEAU et de la moitié des écolos qui la soutiennent (et l’autre moitié partage cette utopie) est de remplacer la mécanisation par la main d’œuvre. Leur grand rêve est de revenir au 19ème siècle où les paysans moissonnaient à la faucille et binaient les mauvaises herbes à la houe. Certes, avec la consommation en une paire de siècles des énergies fossiles qui ont mis des millénaires à se constituer, il est juste de s’interroger sur la pérennité de la mécanisation. Mais remplacer les moissonneuses batteuses par des faucilles et les tracteurs par des bœufs aura un impact sur la production, d’autant que les surfaces affectées à l’alimentation des animaux de trait se ferait en déduction des surfaces allouées à l’alimentation humaine.
Mais il y a aussi parmi les écolos une tendance à s’opposer à la souffrance animale, et ceux-ci vont immanquablement assimiler l’utilisation des animaux pour les travaux agricoles à de la maltraitance animale !
Il ne reste donc pour la mouvance verte qu’à exiger dans l’agriculture que tous les travaux soient effectués manuellement. Leur slogan est imparable : cela créera des centaines de milliers d’emplois. Jamais ils ne se sont posé la question si travailler dans ces conditions serait acceptable par leurs concitoyens. Jamais ils ne se sont posés en candidats pour éprouver leur vision sociétale. L’exemple récent de l’appel du Ministre de l’agriculture pendant le confinement est édifiant pour trouver de la main d’oeuvre en agriculture, comme le précise ce fraisiculteur : « 20 candidats, 10 se présentent, 3 sont encore là à la fin de la semaine »
La propagande forcenée de l’agriculture biologique n’aboutit pas à un rush des agriculteurs vers ce mode de production. J’ai déjà expliqué pourquoi. Le refus par ce mode d’agriculture des techniques qui ont augmenté la productivité (fertilisants minéraux, protection chimique des végétaux,) et l’augmentation des interventions manuelles n’emporte pas ni l’enthousiasme ni l’adhésion d’une majorité d’agriculteurs.
Un non-sens économique
Émanant d’une enseignante-chercheuse en sciences économiques, le programme de Mme ROUSSEAU n’est pas rassurant. Les formidables progrès de la productivité en agriculture ont permis un bond considérable dans le pouvoir d’achat et le confort des concitoyens. La diminution de la part alimentaire dans le budget des ménages a dégagé des liquidités qui ont profité à tous les autres secteurs de l’économie et accéléré le progrès technologique.
Ce pourcentage est descendu à 13,1% en 2018.
Créer des milliers d’emplois en agriculture pour répondre à ce fantasme écologique se heurtera immanquablement à différents effets délétères :
_ Au vu du revenu horaire des agriculteurs, personne ne voudra venir effectuer des travaux pénibles, sous la pluie, dans le froid ou sous un soleil de plomb,
_ Les chefs d’entreprise ne pourront embaucher des salariés, la charge financière de leur emploi mettant en péril la survie de l’entreprise,
_ les conditions légales d’hébergement des salariés nécessiteraient des investissements incompatibles avec les disponibilités des entreprises agricoles,
_ Un exode rural inversé est inenvisageable, les citadins qui souhaiteraient tenter l’aventure de l’agriculture Bio n’auraient ni les logements nécessaires sur place, ni les moyens de transport pour venir embaucher chaque jour en campagne.
Des conséquences économiques dangereuses
Vouloir retourner à des pratiques culturales d’il y a plus d’un siècle va nous ramener à un niveau de vie équivalent. La baisse conséquente des rendements sera accompagnée d’une hausse des prix à la consommation. On pourrait prédire une pénurie et des linéaires vides si le recours à l’importation ne venait pallier la conséquence de ce choix économique. Mais ce ne serait qu’un pis-aller. La balance commerciale des produits agricoles bruts est devenue déficitaire. Alors que l’on connaît déjà les inconvénients de la dépendance envers les autres pays dans une majorité de produits (médicaments, vaccins, produits manufacturés, etc..), devenir alimentairement dépendant de l’étranger est un risque majeur. Les fournisseurs étrangers auraient le loisir d’imposer des prix prohibitifs, et aucun n’accepterait de nous fournir des produits alimentaires si nous ne sommes pas en mesure de les payer au prix demandé.
L’utopie des écologistes est une vision d’un esprit citadin qui veut imposer aux ruraux des contraintes qu’ils ne voudraient pas s’imposer à eux-mêmes.
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