papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

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Eliminer les passoires thermiques, louable espoir ou utopie ?

Eliminer les passoires thermiques, louable espoir ou utopie ?

 

La France vise la neutralité carbone en 2050 afin de lutter contre le réchauffement climatique. Encore qu’il reste à prouver que l’émission de CO² soit l’unique cause d’un réchauffement moyen des températures, la certitude que l’on peut avoir est que l’exploitation des énergies fossiles qui a permis la croissance des moyens de production alimentaire et du confort de vie ne pourra perdurer que dans la limite de l’existence de ces ressources.

D’après l’ADEME, 47 % de l’énergie produite est consommée par les ménages à des fins domestiques (éclairage, chauffage, cuisine, hygiène) mais la majeure partie est constituée par le chauffage et le cas échéant la climatisation. C’est la raison pour laquelle les gouvernements ont légiféré pour améliorer les performances énergétiques des logements et visent à atteindre une consommation énergétique inférieure à 50 KWh/m²/an.

La répartition des logements dans le classement énergétique donne une idée de l’importance des améliorations à apporter, quand on sait que la consommation optimum précitée correspond à la classe A
classement DPE des résidence

 

 


Source données reconstituées sur Excel

Il est à noter que la classe E consomme dix fois plus d’énergie que la classe A et que la D est deux fois plus énergivore que la C.

L’arrêté du 31 mars 2021, qui est entré en vigueur le 1er juillet suivant définit les critères de performances du DPE (Diagnostic de Performance Energétique) des logements dont la mise à disposition du logiciel pilote aux organismes certificateurs n’a eu lieu que le 30 juin et a fait l’objet de multiples mises à jour successives.

Ce diagnostic (art 3a) répertorie les quantités annuelles d'énergie finale nécessaires au chauffage, au refroidissement, à la production d'eau chaude sanitaire, à l'éclairage et aux auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d'eau chaude sanitaire et de ventilation.
 Par quantité d'énergie finale nécessaire au chauffage on entend les consommations d'énergie liées :
- aux déperditions thermiques par l'enveloppe du bâtiment et aux déperditions thermiques par renouvellement d'air et par ventilation, diminuées des apports internes du bien, objet du diagnostic, et des apports solaires ;
- aux pertes des systèmes thermiques.

On voit ainsi que sont ajoutées à la consommation finale (celle du compteur Linky par exemple) les quantités estimées d’énergie lies aux déperditions thermiques et la part de coefficient de rendement des appareils pour atteindre les 100%.

Ainsi pour classer les logements ce n’est pas seulement l’énergie consommée qui est prise en compte, mais aussi l’énergie que l’on pourrait économiser si tous les critères de classification étaient optimum.

Mais plus encore, l’article 3b reprend le calcul du 3a et lui applique le principe de l’énergie primaire nécessaire pour obtenir l’énergie finale. Ce qui se traduit pour l’énergie électrique par l’application d’un coefficient de conversion antérieurement fixé à 2,58 et ramené à 2,30.

On voit ainsi que pour obtenir la classification A avec 50 Kwm²/an, aucun logement malgré des travaux conséquents ne pourra y prétendre sans que soit installée ou raccordée une production d’énergie renouvelable qui entre en déduction dans le calcul énergétique dont la lecture des étiquettes donne une idée des performances exigées en Kw/m²/an :
les classes du DPE

 

Si le logement est équipé d'une cheminée à foyer ouvert, le premier bouquet de travaux préconisé comprend une recommandation visant à condamner la cheminée à foyer ouvert ou à la remplacer par un autre dispositif tel un insert.

Le décret 2022-8 du 5 janvier 2022 prévoit dans son Art. R. 171-13. - I. - : « Pour pouvoir être installé dans un bâtiment, y compris en remplacement d'un équipement existant, un équipement de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire respecte le résultat minimal de performance environnementale suivant : le niveau des émissions de gaz à effet de serre de l'équipement est inférieur à 300 gCO2eq / kWh PCI ».

Ainsi les générateurs de chaleur qui n’atteignent pas cette performance ne pourront plus être installés, la réparation des appareils existants pourra être effectuée mais si un remplacement est nécessaire, l’objectif de rendement devra être respecté.

 

Une crise du logement en perspective

 

Le décret 2021-19 du 11 janvier 2021 interdit à la location pour les nouveaux contrats les logements classés en G à compter du 1er janvier 2023. La loi 2021-1104 du 22 aout 2021 précise un échéancier précis :
« Le niveau de performance d'un logement décent est compris, au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation :
« 1° A compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ;

« 2° A compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E ;
« 3° A compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D. »

Quand on regarde l’augmentation de la vacance des logements entre 2005 et 2017 qui avait cru de 50,28%, on ne peut s’empêcher de la corréler avec l’application du DPE en 2006.

logements vacants

 

 

Les critères de décence des logements qui ont évolué considérablement depuis la mise en vigueur du DPE se trouvent renvoyés à des limites quasi inatteignables pour une majorité de logements. Outre le fait qu’une isolation par l’intérieur occulte les circuits de chauffage et d’électricité, cette modification entraîne l’obligation de refaire l’ensemble de ces installations afin de se conformer à leurs normes en vigueur. Ainsi, le coût de la mise aux normes énergétiques du logement se trouve augmenté à un niveau inaccessible et inamortissable.

Mais les décisions gouvernement d’inciter le remplacement des chauffages au fuel et au gaz par des chaudières biomasse ou des pompes à chaleur ne vont pas aider à résoudre le problème. Comme précisé plus haut, le coefficient d’énergie primaire appliqué à l’énergie électrique déclasse de facto le logement même parfaitement isolé.

Devant les difficultés techniques à réaliser la mise aux normes énergétiques et l’impossibilité de financer des travaux trop coûteux, les bailleurs n’auront d’autre choix que de tenter de vendre ou en désespoir de cause de laisser leurs logements vacants, étant interdits de location en l’état. Comme quoi le meilleur peut devenir l’ennemi du bien.

 

Des aides complexes et multiples

 

Conscient de ces difficultés, le gouvernement a mis en place depuis le 1er janvier 2022 MaPrimeRénov’ Sérénité, qui a pris le relais de primes précédentes, pour les logements de plus de quinze ans avec une enveloppe de deux milliards d’Euros pour 2022. Malgré la complexité des calculs plafonnés et inversement indexés sur le revenu des ménages, plus de 380 000 demandes ont été déposées, 297 000 ont été acceptées et plus de 862 millions d’euros de primes ont été versées pour des travaux de rénovation énergétique au 1er juillet 2021. Ce qui ne représente que 78% d’acceptation. Et le résultat est loin d’atteindre les objectifs de rénover les 4 784 860 logements des classes F et G avant 2028, sans compter les 6 392 931 logements E à mettre aux normes avant 2034. Quant à respecter l’objectif des 50Kw/m²/an, ce seront 16 322 966 logements supplémentaires qui devront trouver la formule magique et la finance suffisante pour rester éligibles à la location.

 

Gros problème à venir sur l’immobilier

 

Si les propriétaires occupants semblent pour le moment moins impactés que les bailleurs de logements, le durcissement du diagnostic énergétique va aggraver les relations bailleurs-locataires. Ce diagnostic, doublé dans certaines zones par un permis de louer qui vérifie la décence des logements avant l’entrée de chaque locataire ne protège pas le bailleur des incivilités et des dégradations, d’une minorité certes de locataires, mais dont les conséquences sont délétères envers l’ensemble des populations. Car malgré une entrée dans des lieux conformes, après un temps quelquefois court, le mauvais entretien locatif ou les dégradations incitent le locataire à demander un contrôle de décence dont la première conséquence est d’obliger le bailleur à remettre en état de décence. S’il arrive à rassembler les preuves de la culpabilité du locataire par comparaison avec l’état d’entrée, une condamnation de celui-ci au tribunal ne lui dédommagera rien, car fréquemment ce genre d’incivilité est provoquée par des locataires insolvables et insaisissables, sans compter le délai et les frais de procédure.

Ainsi, la volonté d’obliger les bailleurs à proposer des logements se rapprochant de la perfection sans leur garantir la sérénité d’un bon usage de ce bien ne pourra que détourner les investisseurs de l’immobilier locatif.

En ce qui concerne les propriétaires occupants, la proposition du Ministre Hulot d’instaurer un bonus-malus sur la taxe foncière risque fort d’être reprise lors de la révision des valeurs locatives en gestation, le gouvernement étant à la recherche de finances et la perspective politique ne semblant pas être favorable aux propriétaires.

 

Conclusion

 

S’il est évident qu’il est indispensable de se libérer de la dépendance aux énergies fossiles, la guerre en Ukraine ayant mis en évidence notre fragilité à leur encontre, il est indispensable de bien doser les critères d’évaluation afin de ne pas placer les propriétaires dans des situations insolubles, tant techniquement que financièrement. Certes, les aides promises semblent conséquentes, mais comme toujours les annonces sont plus prometteuses que réellement distribuées. La tendance à privilégier l’énergie électrique (pompes à chaleur dont le rendement est ridicule par températures excessives) est totalement anéantie par le coefficient d’énergie primaire qui déclasse tout logement même parfaitement isolé.



16/05/2022
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