Agroforesterie les vérités cachées
Quand les arbres sauvent nos récoltes…
Ou l’art de la désinformation.
Dans une vidéo champêtre, Jamy GOURMAUD nous emmène dans un monde formidable de la nouvelle agriculture.
Les jeunes agriculteurs Bio ont repris la ferme familiale et ont planté 10 km de haies pour pratiquer l’agroforesterie, promesse de biodiversité et de progrès.
Dans les années 1960, 10 000 km de haies ont été arrachées en France pour adapter le parcellaire et favoriser la mécanisation. A une époque où la politique était d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, ce rajout d’environ 10 000 ha aux surfaces cultivables, accompagné de la fin de la concurrence végétative de ces arbres avait boosté la production agricole, avec le concours des pouvoirs publics qui subventionnaient et imposaient le remembrement.
Une promesse de bienfaits !
Les temps changent et l’opinion de même. On nous vante maintenant le super pouvoir des arbres pour aider le blé à pousser. L’état subventionne les agriculteurs pour replanter des arbres, et cette association avec les cultures les protégerait des caprices de la météo. L’arbre, par son feuillage, protégerait du vent sur une distance égale à 10 fois sa hauteur. L’évapotranspiration des arbres rafraîchit l’air ambiant.
Les racines des arbres iraient puiser l’eau en profondeur pour la mettre à la disposition des cultures adjacentes et fonctionneraient comme un système d’irrigation qui permettrait de distribuer l’eau dans tout le champ, comme indiqué dans cette capture d’écran :
Les arbres enrichissent le sol par la présence de bactéries sur leurs racines et par la décomposition de leur feuillage. Cet enrichissement en différents micro-organismes favoriserait la décomposition des éléments fertilisants et serait favorable à une meilleure résistance des parcelles reconverties pour affronter le réchauffement climatique.
Une réalité bien différente…
Cette présentation médiatique orientée et bien huilée ne trompera pas les agriculteurs qui ont constaté depuis longtemps que la présence d’arbres dans leurs champs révèle une concurrence sévère entre les arbres et les cultures. Si la nouvelle agroforesterie semble attractive, il faut envisager le futur. Tant que les arbres sont au stade de la photo, et sont plantés dans un sol fertile et profond, dans des alignements distants d’au moins 24 à 36 mètres pour permettre le passage des outils de protection des récoltes, la concurrence est supportable. Il faut noter que le parcellaire doit être assez vaste pour permettre la manœuvre des matériels de culture.
Mais si l’arbre protège du vent sur une distance égale à 10 fois sa hauteur, il concurrence les récoltes sur une largeur égale à sa hauteur aussi bien en eau, qu’en nutriments et en lumière. Rien de mieux que des photos pour illustrer :
Ici une rangée de noyers en bordure d’un champ de maïs. Il faut atteindre le 12ème rang pour se dégager de la concurrence des arbres, soit près de 10 mètres, les premiers rangs n’ayant pas poussé et ayant séché sur pied. Nous sommes ici sur une terre de champagne, normalement fertile permettant des rendements de 80 Qx/ha en culture non irriguée.
Autre situation de concurrence :
Ici une bordure de bois de chênes dont la vigne n’a pas supporté la concurrence : Le premier rang de vigne normal se situe à 20 mètres de la bordure. On peut comparer les photos des situations : dans la première, promue par les écologistes on constate une non-concurrence des arbres avec la culture, mais ces arbres sont très jeunes et leur croissance entraînera les conséquences que l’on constate sur les photos du bas.
Restons objectifs
Il est des circonstances où la présence de haies est indispensable pour protéger les zones où les vents violents (mistral, tramontane) ou les brises de mer salées créent des dégâts conséquents. Les bordures de cours d’eau sont stabilisées par les racines de la ripisylve et les talus dans les coteaux sont des endroits où les haies sont naturellement implantées et stabilisent le terrain contre les éboulements.
Mais prétendre comme dans la vidéo que les racines d’arbres distribuent de l’eau dans les champs alentour comme le fait un système d’irrigation est une escroquerie intellectuelle qui induit en erreur l’opinion et irrite les agriculteurs.
Les arbres sont d’excellents capteurs de CO², mais les cultures leur sont supérieures. Un hectare de mais non irrigué capte annuellement près de 17 tonnes de CO² de plus qu’un hectare de forêt pour les transformer en oxygène et en hydrates de carbone, bases de notre alimentation.
Au regard de la concurrence des arbres d’une haie, on peut considérer qu’une haie de 100 mètres au milieu d’un champ d’un hectare diminue sa production de 10% (5m de chaque côté = 10m x 100 = 10 ares). Dans un contexte de croissance de la population, de la diminution des rendements induite par la culture Bio, une généralisation de l’agroforesterie aurait un impact conséquent sur la production alimentaire. Baisse de la production étant synonyme de hausse des prix, il est évident que les consommateurs ne sortiraient pas gagnants de cette évolution des pratiques agricoles.
On nous répète que les haies sont des réservoirs de biodiversité, en oubliant que parmi celle-ci il y a nombre de prédateurs des récoltes. Ce que les écologistes ne savent pas, ou ne veulent pas voir, c’est que les attaques de prédateurs dans les champs commencent par le pourtour, et en priorité lorsque les champs sont adjacents à des haies ou à l’orée de parcelles boisées.
L’agroforesterie a pour objectif de cumuler la production classique d’une culture et celle de la production des arbres (bois, noix, châtaignes, etc..). L’agroforesterie a perduré dans certaines régions comme le bocage normand où les pommiers ne gênent pas les vaches pour pâturer, les uns profitant des déjections qui fertilisent et les autres bénéficiant de l’ombre et des fruits tombés à terre. Cependant, pour la majorité des autres cultures, les arbres entravent les manœuvres de la mécanisation et font drastiquement chuter les rendements. De plus l’entretien des haies nécessite des interventions d’élagage coûteuses en temps et en main d’œuvre, d’autant que les règles environnementales interdisent les épareuses à fléaux et obligent les agriculteurs à ramasser manuellement les branches après le passage des lamiers de rognage.
La nature ayant horreur du vide, les espaces non cultivés dans la ligne d’arbres sont vite colonisés par diverses plantes pas forcément sympathiques (ronces, garances, chardons, etc..) qui ont une tendance naturelle à se multiplier et à coloniser l’espace, entrant également en concurrence avec les récoltes et créant des difficultés pour les contrôler d’autant plus compliquées que l’opinion veut interdire les herbicides.
Conclusion
Ainsi, l’agroforesterie peut trouver sa place dans des situations spécifiques bien particulières, mais ne peut en aucun cas être généralisée à tout le territoire comme voudraient le faire croire les interventions très médiatisées de certains groupes d’opinion.
Aucune pratique n’a que des avantages, et vouloir ignorer ou occulter les inconvénients ne peut perdurer sans que la réalité ne se manifeste. Ainsi, la promotion de la Bio, présentée comme la panacée pour la santé et l’environnement a elle aussi ses revers, comme en témoigne la récente volte-face du gouvernement du Sri Lanka qui a du revenir sur sa décision du tout bio devant la pénurie engendrée par l’interdiction d’emploi des engrais chimiques et de l’obligation généralisée de la Bio.
Laissons les décisions à ceux qui savent et nous serons assurés de manger demain !
Armand PAQUEREAU
04 02 2022
https://www.youtube.com/watch?v=opca0KmrSok
https://www.contrepoints.org/2019/07/15/349007-le-vrai-bilan-carbone-de-lagriculture
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