papyrural, Le blog d'Armand PAQUEREAU

papyrural,  Le blog d'Armand PAQUEREAU

Comme la guerre en Ukraine, la sécheresse va révéler des carences prévisibles

Comme la guerre en Ukraine,
la sécheresse va révéler des carences prévisibles

 

Il est malheureux qu’il faille attendre des circonstances aussi dramatiques qu’une guerre pour prendre conscience d’évidences aussi flagrantes que les risques de pénurie lorsqu’on dépend des autres pour des besoins essentiels.

La guerre en Ukraine a mis en évidence notre dépendance aussi bien matière énergétique que de biens de consommation alimentaire. L’Union Européenne, qui a abandonné les stocks pléthoriques du début de la PAC se trouve face à une pénurie qui déstabilise toute son économie. Certains organismes comme la Coordination Rurale n’ont cessé de plaider pour une souveraineté alimentaire qui, s’ils avaient été entendus, auraient évité cette déstabilisation brutale de notre vie économique et sociale.

 

L’eau est la base de la vie.

 

Non seulement tout individu qui ne peut boire ne peut subsister que très peu de temps, mais l’eau est également la base de notre alimentation. Eternellement renouvelable par le cycle de l’eau (évaporation, pluie), même si inégalement répartie sur la planète, c’est l’eau qui nous nourrit. Grâce à la photosynthèse et à l’énergie solaire, elle permet aux plantes de croître et de transformer le CO² de l’atmosphère en hydrates de carbone qui nourrissent animaux et humains. Les problèmes sont que l’eau de pluie qui arrose les cultures n’est pas toujours disponible au bon endroit, au bon moment et en quantité appropriée. L’homme depuis des siècles a su avec plus ou moins de succès pallier ces irrégularités par des pratiques de drainage (pour évacuer l’excès d’eau dans le sol qui asphyxie les racines) ou d’irrigation qui lutte contre la pénurie de pluie (qui assèche les plantes et diminue ou anéantit le rendement).

Cependant les pratiques d’irrigation, qui sont intégrées dans l’inconscient collectif de pays beaucoup plus exposés que la France aux sécheresses, sont l’objet de critiques et d’oppositions féroces dans notre métropole dont les précipitations sont largement suffisantes aux besoins, même si elles sont irrégulièrement réparties dans le temps et dans l’espace. Les précipitations moyennes annuelles en France se situent entre 550 et 700 mm, et environ 1200 mm pour l’ouest et 1500mm pour le pays Basque.

 

Une réglementation contraignante

 

Le PTGE (Projet Territorial de Gestion de l’Eau) a été défini dans l’instruction du 7 mai 2019 comme : « … une démarche reposant sur une approche globale et coconstruite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique. Il aboutit à un engagement de l’ensemble des usagers d’un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc.) permettant d’atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s’y adaptant ».

Cette définition qui semble forgée au coin du bon sens devrait suffire à régler tous les problèmes inhérents à la gestion de l’eau. Comme les ressources ne correspondent pas en quantité et en temps opportun aux besoins, il est donc nécessaire d’étudier quels aménagements peuvent permettre la disponibilité de l’eau en temps voulu. La meilleure solution est de stocker l’eau en période de pluies excédentaires plutôt que de la laisser repartir rapidement à la mer, afin de l’utiliser en période de sécheresse pour irriguer les cultures et réalimenter l’étiage des rivières. Je passerai sur la complexité de la réglementation pour la réalisation de ces stockages que l’on peut retrouver dans ce document .

Le problème majeur est l’opposition de certaines associations écologiques qui vont jusqu’au sabotage d’installations existantes pour s’opposer à la création de nouveaux stockages. Pourtant, nombre de ces créations de stockage ont fait la preuve de leur utilité : Les barrages de Lavaud et Mas Chaban en Charente, contenant 10 et 14,2 millions de m3 permettent de puis 1990 et 2000 l’irrigation de nombreux hectares de cultures et la régularité du débit du fleuve dans l’intérêt de tous. De même les lacs de la forêt d’Orient, sur le bassin supérieur de la Seine ont été construits pour éviter une autre crue centennale de 1910 qui avait dévasté Paris et ne sont plus contestés.

En ce qui concerne la notion d’eau excédentaire, au début décembre 2019, le débit du fleuve Charente était d’environ 180-200 M3 par seconde . Si l’on considère que la moitié de ce débit est excédentaire, un rapide calcul nous amène à 90 m3 x3600 s x 24h = 7 776 000 m3 par jour. Ce qui revient à constater qu’en deux jours, part à la mer le contenu du lac de Mas Chaban.

Le stockage issu du pompage soit de la collecte des eaux de ruissellement présente l’avantage supplémentaire de limiter les dégâts causés par les excès d’eau et les inondations qui en résultent. Il permet de réguler les inconvénients de l’excès ou du manque d’eau douce arrivant dans les bassins ostréicoles à l’embouchure des fleuves, sans compter les pollutions émanant de l’inondation des stations d’épuration.

 

Une utilisation de l’eau strictement contrôlée

 

Contrairement à ce que prétendent les associations opposées au stockage destiné à l’irrigation, le remplissage par pompage n’est pas laissé à la libre initiative des propriétaires ou usagers des réserves. Ces pompages ne sont autorisés par les préfectures que dans des conditions de disponibilité bien définies qui ont été discutées au sein des instances prévues par la loi. Lorsque les limites minima de ces conditions sont atteintes, les pompages sont interdits, et toute infraction peut être facilement contrôlée (et sanctionnée) grâce aux compteurs.

De même, en période de sécheresse, l’irrigation ainsi que certains usages sont interdits dès qu’ils mettent en péril la ressource disponible et indispensable.
Quant au remplissage des retenues collinaires, il ne s’effectue qu’avec l’eau qui ruisselle lorsqu’elle ne peut plus s’infiltrer à cause de la saturation des sols par simple gravité naturelle sans aucune consommation d’énergie.

Ce remplissage est permis par les premiers alinéas des articles 641 et 642 du Code Civil n’ont pas été abrogés par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et sont toujours en vigueur :
« Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. »
« Celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage. »

Ainsi, il est logique et légal qu’un agriculteur puisse s’organiser pour stocker l’eau de pluie qui tombe et ruisselle sur ses terres. L’arrêté du 21 aout 2008 précise les conditions de récupération des eaux de pluie par les particuliers et les entreprises. A titre d’exemple le conseil général de Saône et Loire subventionne la collecte de eaux de pluie avec un plafond de subvention de 1 000€ pour particulier dont le revenu ne dépasse pas 29 148€ et un plafond e 16 000€ pour une entreprise agricole. Cependant, ces aides ne sont prévues que pour la récupération des eaux des toitures. La création de retenues collinaires des eaux de ruissellement en est exclue.

 

Des oppositions farouches et incompréhensibles

 

Bien que la récupération des eaux de pluie soit considérée comme d’intérêt général par les pouvoirs publics et subventionnée comme tel, de nombreuses associations militent et s’opposent à ce qu’elles appellent l’accaparement de l’eau par une minorité de profiteurs.

On a peine à comprendre le bien fondé des actions de ceux qui ont empêché la création du barrage de Sivens sous prétexte de préserver une zone humide en bas d’un bassin versant. Pourtant, une retenue de 907 000 m3 permettait une disponibilité d’eau pour irriguer environ 650 ha sur 82 exploitations agricoles et maraîchères. Une telle retenue aurait créé sur ses berges un environnement favorable à la faune et à la flore beaucoup plus important que la zone humide initiale.

On ne peut non plus accepter le saccage des bassines en Charente Maritime en novembre 2021 au cours duquel des gendarmes ont été blessés et les bâches d’étanchéité de la bassine lacérées obligeant le remplacement intégral de toute la réserve.

L’irrigation assure, malgré la sécheresse, une régularité de récolte en quantité et en qualité qui permet d’éviter la flambée des prix redoutée par les consommateurs. L’irrigation est donc sans contestation d’intérêt général.

 

Un peu de pédagogie sur l’eau

 

Il est inconvenant et erroné de prétendre que tel ou tel consomme de l’eau. Chacun utilise l’eau pour ses besoins et la rejette dans le milieu naturel, plus ou moins polluée, mais toujours en quantité égale à celle qu’il a temporairement déviée du cycle naturel. On voit ici la démonstration de la manipulation de la communication sur le sujet :

destination des usages de l\\\'eau

 

 

L’irrigation est le poste le moins élevé des prélèvements. Ce qui est considéré comme consommation est la quantité prétendue non restituée au milieu naturel ou évaporée. Toute eau retourne au milieu naturel (eaux pluviales ou eaux sanitaires) ou par évaporation. Or il est faux de prétendre que l’eau évaporée n’est pas restituée au milieu naturel, car les pluies sont constituées d’eau qui s’est évaporée (lacs, océans et évapotranspiration des forêts et des cultures). C’est ainsi que l’on veut rendre l’irrigation responsable de la consommation d’eau, alors qu’elle participe le plus directement au retour de l’eau dans la nature, sans pollution intermédiaire comme l’usage de l’eau potable qui sort des stations d’épuration après avoir abreuvé les citoyens. Il serait d’ailleurs très utile de pouvoir stocker cette eau après dépollution et l’utiliser pour l’irrigation comme c’est déjà le cas dans l’Hérault.

Quand on sait que chaque année en France 5 milliards de m3 d’eau sortent des stations d’épuration qui retournent directement à la mer, cette quantité d’eau permettrait d’irriguer 2 millions d’hectares de cultures avec la terre pour filtre comme c’est le cas pour les boues de ces stations d’épuration. Rien que cette eau récupérée temporairement permettrait de doubler les surfaces irriguées avant de rejoindre le cycle naturel. En France, seulement 6% de 26,325 millions d’hectares cultivés sont irrigués.

 

Prévoir, c’est guérir.

 

Quand on voit avec quelle soudaineté et quelle ampleur la guerre en Ukraine a déstabilisé l’approvisionnement en denrées alimentaires et énergétiques l'économie mondiale, il est nécessaire de réfléchir aux solutions pour lutter contre les effets de la sécheresse, elle-même induite par le réchauffement climatique dont on nous martèle depuis longtemps l’aggravation.

Le réflexe naturel quand il fait chaud est de boire, ou celui d’arroser les fleurs du balcon ou les légumes du potager quand ils fanent.

 Il est impératif de mettre en œuvre tous les moyens existants, dont le stockage de l’eau excédentaire hivernale, pour permettre aux agriculteurs de se prémunir contre la sécheresse en irrigant leurs cultures afin de permettre une production alimentaire régulière et de qualité. C’est un intérêt commun et vital pour les Français afin d’assurer une souveraineté alimentaire dans un monde en perpétuelle effervescence sociale et économique, sans compter les risques d’extension de conflits engendrés par des pénuries alimentaires.



16/05/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Actualités locales pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 30 autres membres